Réglementation ESG : l’UE passe à la vitesse supérieure

Analyse de double matérialité, mécanise d’ajustement carbone aux frontières, nouvelles normes de reporting sur le développement durable… De quoi s’agit-il ? Quel impact pour les entreprises ?

Mi-juin, la Commission européenne a apporté plusieurs précisions sur une série de mesures destinées à accélérer la transition vers une économie neutre pour le climat d’ici 2050. Des mesures que BNP Paribas a récemment présentées à un panel de clients et d’experts de la finance durable lors d’un webinaire.

CSRD, une nouvelle directive plus ambitieuse

Le reporting des entreprises en matière de durabilité est un élément clé du Pacte Vert pour l’Europe. C’est pourquoi la directive européenne NFRD (Non Financial Reporting Directive), qui encadre aujourd’hui les déclarations de performance extra-financière des entreprises du Vieux Continent, sera progressivement remplacée, à partir du 1er janvier 2024, par une nouvelle directive plus ambitieuse : la « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive). Cette dernière couvrira l’intégralité des critères ESG : les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance.

Les principales nouveautés introduites par la CSRD sont :

  • Un champ d’application élargi : beaucoup plus de sociétés seront concernées par les obligations de reporting, et en particulier toutes celles cotées sur les marchés réglementés européens.
  • Un renforcement et une standardisation des obligations de reporting : en s’appuyant sur des normes européennes harmonisées (les ESRS, lire ci-dessous), les sociétés devront publier des informations détaillées sur leurs risques, opportunités et impacts matériels en lien avec les critères ESG, selon un principe de « double matérialité » (lire ci-dessous).
  • Une localisation unique : le reporting de durabilité sera publié dans une section dédiée du rapport de gestion, via un format digital unique et imposé.
  • Une vérification obligatoire de l’information par un commissaire aux comptes ou un organisme tiers indépendant.

Les normes ESRS

La CSRD prévoit la création de normes de reporting de durabilité détaillées, dites normes « ESRS » (European Sustainability Reporting Standards). Leur adoption définitive est prévue en août 2023. Au nombre de 12, elles permettront d’encadrer et d’harmoniser le reporting des entreprises dans leurs réponses à ces quatre grandes questions :

  • Comment la gouvernance prend-elle en compte les enjeux de durabilité ?
  • Comment les enjeux de durabilité sont-ils intégrés à la stratégie et au modèle d’affaires ?
  • Comment les impacts, risques et opportunités de durabilité sont-ils identifiés et gérés dans l’ensemble de la chaîne de valeur ?
  • Comment la performance (KPI) et les objectifs liés aux plans d’action et ressources mis en œuvre sont-ils mesurés ?

Les thèmes couverts par ces normes ESRS toucheront tant des sujets transversaux (stratégie, gouvernance…) que des enjeux environnementaux (biodiversité, pollution, ressources aquatiques et marine…) et sociaux (respect des droits humains, traitement du personnel, gestion des relations avec les fournisseurs…). À terme, les entreprises concernées auront du pain sur la planche, avec potentiellement jusqu’à 20 templates et 1.100 points d’entrée de données à remplir !

Le principe de double matérialité

La principale nouveauté apportée par la CSRD est la double matérialité du reporting. Ce concept implique que l’entreprise identifie ses enjeux ESG majeurs – et les normes ESRS qui y sont liées – à la fois à travers :

  • Les impacts, risques et opportunités que ces enjeux peuvent entrainer pour elle.
  • Les impacts que l’entreprise elle-même peut avoir sur la société et l’environnement.

Les entreprises devront donc réaliser une analyse approfondie afin de déterminer, en collaboration avec leurs principales parties prenantes, à propos de quelles normes ESRS elles doivent réaliser un reporting. Elles ne seront donc pas contraintes de réaliser un rapport pour chacune des 12 normes ESRS, mais devront obligatoirement justifier leur choix à l’occasion d’un audit.

Pour répondre à cette exigence de double matérialité, les experts de BNP Paribas recommandent aux entreprises d’adopter une approche en quatre étapes :

  1. Comprendre le contexte et l’activité de votre entreprise (important pour déterminer votre scope, votre chaine de valeur, créer vos produits en fonction des besoins de votre clientèle).
  2. Faire une liste de vos principaux stakeholders, qui doivent être consultés pour déterminer les thématiques liées aux normes ESRS qui sont essentielles (ou « matérielles ») pour votre entreprise.
  3. Définir une méthodologie basée sur des critères quantitatifs et qualitatifs.
  4. Déterminer ce qui est « matériel » pour votre entreprise, grâce aux trois points précédents, et l’inclure dans votre rapport CSRD.

Les experts et expertes du Sustainable Business Competence Centre de BNP Paribas Fortis restent évidemment à votre disposition pour vous accompagner dans la transition durable de votre entreprise, et dans les tâches de reporting qui y sont liées.

Bientôt une « taxe carbone »

Par ailleurs, la Commision européenne a également récemment voté l’introduction d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE (MACF). Il consistera à imposer un droit de douane environnemental (ou « taxe carbone ») sur certains produits importés fabriqués par des entreprises hors d'Europe, dans des pays aux normes environnementales moins ambitieuses. Les secteurs ciblés sont les plus émetteurs : ciment, acier et fer, aluminium, engrais et électricité.

Les travaux de reporting liés au MACF débuteront en octobre 2023, tandis que l’entrée en vigueur progressive de la taxe carbone est prévue à partir de 2026. Les tarifs évolueront à la hausse au fil des ans.

Nous reviendrons plus en détail sur cette taxe carbone dans un article ultérieur.